Dans les sacs d’exploration

Les sacs d’exploration, outils de médiation nomade, visent deux publics principaux : les jeunes enfants et les personnes atteintes de TSA. Mais quel contenu rassembler dans ces sacs pour ces différents publics ?

Dans mon dernier article, je vous présentais les sacs d’exploration, leurs publics-cibles et leur variété de supports : besaces, tote bag, sac à dos, brouette, gilet…. Si le contenant est variable, il en va de même du contenu. On peut y inclure des objets très variés, tout en veillant à ne pas éclipser le musée, mais le mettre en valeur, en donner les clés. C’est parti pour 5 types de contenu à mixer dans vos sacs d’exploration !

Que mettre dans son sac ?

On trouve souvent des défis sous forme de jeux de cartes, à la manière des Muséojeux. Ces jeux invitent à s’approprier les œuvres via des challenges ludiques et imaginatifs : finir une phrase, inventer le titre d’une peinture, deviner ce qui s’est passé avant ou après la scène sculptée, créer un meme, ou plus simplement exprimer ses sensations, à la manière de certains jeux de cartes. Les cartes peuvent aussi stimuler davantage l’observation : retrouver l’œuvre qui correspond à un nuancier, décrire l’œuvre à quelqu’un qui a les yeux fermés, chercher quel dessin a tel détail.

Pour aller plus loin dans l’observation, on peut donc prévoir un nuancier. Et si on glissait aussi dans le sac du matériel d’investigation ? Une loupe, un appareil photo numérique, ou des jumelles comme au musée Girodet. On ne manquera pas non plus d’y glisser un support, des feuilles d’imprimante et un crayon à papier : on observe mieux quand on recopie par le dessin. Le British Museum a ainsi conçu un sac d’exploration pour les artistes en herbe. La Maison du Fromage Abondance s’est elle carrément amusée à glisser des lunettes colorées, pour voir comme une vache !

La brouette de Julie à la Maison du Fromage Abondance
La brouette de Julie à la Maison du Fromage Abondance

Pour le bonheur de se saisir de vrais objets dans un musée où l’on ne peut rien toucher, on peut imaginer les sacs comme un prolongement des vitrines, en y glissant des artefacts tactiles. Durant l’exposition sur Goya à Agen, des sacs pour les familles contenaient des échantillons textiles en rapport avec des portraits peints dans l’exposition, et une palette en bois usagée rappelant celle de l’atelier du peintre.

D’autres objets sensoriels peuvent créer une ambiance, comme un bâton de billes pour le bruit au British Museum. Pour des 3-5 ans, le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac a choisi de mettre à disposition un carnet avec une histoire à lire en famille ainsi que de nombreux petits objets à toucher, à sentir et à écouter pour s’immerger soit au Maroc, soit en Alaska. La même association histoire-manipulation a été développée à la Maison du Fromage Abondance, toujours pour les enfants non-lecteurs. Le sac du marin pensé par le Musée national de la Marine de Paris comprend quant à lui des pochons avec du matériel sensoriel : bouteille sensorielle, cadre avec gréement, parfum, ou carte lenticulaire. Chacun indique le numéro de l’activité et le sens mobilisé (vue, odorat, etc.).

Enfin, on peut aussi ajouter dans les sacs d’exploration certains objets pour apaiser le visiteur. Au musée des Beaux-Arts de Montréal, « chaque sac sensationnel contient du matériel créatif, des objets apaisants à manipuler, un plan des galeries et quatre fiches d’activités axées sur des œuvres de la collection qui sollicitent les sens : la vue, l’ouïe et le toucher ». Ces activités ont été validées par des partenaires communautaires spécialisés. Le Muséum de Bordeaux et le Musée national de la Marine ont aussi recours à ce type de matériel : balles anti-stress, couverture lestée, lunettes de soleil, casque anti-bruit… En complément, le sac du marin du Musée national de la Marine a même intégré une sensory map* : « conçue comme une carte aux trésors, elle donne le plan du musée en indiquant les zones lumineuses ou sombres, les zones bruyantes, etc. pour que les familles puissent anticiper les stimulations sensorielles rencontrées durant le parcours ». Alors, quel type de contenu choisirez-vous ? Une fois le choix fait, il reste encore quelques étapes.

Sac de Muséojeux par UpCulture
Sac de Muséojeux par UpCulture, avec une longue-vue

Pense-bête matériel

Parce que c’est évident mais ça va mieux en le disant : après avoir choisi le type d’activités, il convient de passer le matériel en revue du point de vue de la praticité. Le contenu des sacs doit respecter des points de sécurité (pas de feutre qui tache le mobilier, pas de petit élément ingérable par un enfant, par exemple). Le matériel solide doit aussi résister dans le temps à des usages répétés, être lavable, rechargeable ou remplaçable facilement. Anne-Marie du Boucher, médiatrice au Musée Girodet, insiste sur ce point : « Tant que l’outil n’est pas trop précieux, bien solide et qu’il est facile de vérifier son contenu après chaque utilisation, il est tout indiqué dans un musée, sans entrer en conflit avec le reste des activités muséales ». Mais qui conçoit ces outils solides, sensoriels, imaginatifs ?

Fournisseurs, créateurs et autres bonnes adresses

Anne-Marie du Boucher, médiatrice au Musée Girodet, nous explique comment le musée a œuvré en interne pour développer ses gilets d’exploration : « une intermittente du spectacle, collègue au sein de l’agglomération montargoise, s’est chargée de la réalisation des gilets, des collègues agents techniques et ébénistes se sont chargés de la réalisation des supports en bois (viseurs et bloc note), un graphiste a donné une identité au dispositif en dessinant un logo décliné en motifs sur les cartes et sur un plan mystère. Le reste a relevé de petits achats en ligne ». Quant aux boîtes sensorielles, le musée Girodet a fait appel à l’entreprise Les Doigts qui rêvent, spécialisés dans la création de contenus tactiles et la société Le P’tit Sniff pour obtenir des dispositifs olfactifs.

Lucie Aerts, Musée national de la Marine de Paris, explique comment le travail interne s’est là aussi enrichi d’apports externes : « Le sac du marin a été imaginé et conçu par le service Médiation, et notamment par un binôme : Mathilde Teissier, chargée de médiation – référente accessibilité, et Murielle Machicot, chargée de médiation – référente jeunes publics et scolaires. Nous voulions que le sac soit, dès le départ, imaginé pour les familles mais aussi conçu dans une démarche inclusive. Elles ont pu s’appuyer sur des spécialistes des troubles du spectre autistique, et sur différents prestataires, telles une couturière et l’illustratrice jeunesse Marie Paruit ».

Les boîtes sensorielles au musée Girodet
Les boîtes sensorielles au musée Girodet

La bonne idée, pour un sac encore plus efficace !

Le matériel, qu’il s’agisse de cartes à défis, de matériel d’observation, d’artefacts tactiles, d’ambiance sensorielle ou d’objets antistress, est encore plus rentable s’il est astucieusement pensé pour être double emploi. Tout ce matériel peut être réinvesti d’une exposition à un parcours permanent, « en autonomie, et également pour des groupes d’enfants préconstitués », comme des centres de loisirs, abonde Anne-Marie du Boucher, médiatrice au Musée Girodet. Dans la même optique, le Musée national de la Marine à Paris a créé un sac du marin autant destiné aux 3-5 ans qu’aux les jeunes ayant un trouble du spectre autistique. Lucie Aerts et son équipe ont réfléchi à « la manière de regrouper les deux : comment faire un sac, dès 3 ans, qui soit aussi adapté à des enfants avec TSA ? L’une des recommandations que nous avons eues pour nous adapter aux TSA était de proposer des activités monosensorielles : chaque activité mobilise un sens principal. Cela convient ainsi à tous les enfants. L’ajout de la carte sensorielle permet aussi aux parents d’enfants avec TSA d’anticiper des stimulations qui pourraient être gênantes, ou de savoir comment contourner certains éléments de la scénographie. Cette carte, comme une carte au trésor, peut aussi plaire aux enfants qui n’auraient pas de troubles spécifiques. Ainsi, nous avons vraiment souhaité faire un outil inclusif, pour tous».

Rendez-vous dans mon précédent article
pour un focus sur le public-cible et les bénéfices des sacs d’exploration ! 😉

Et un grand merci à Lucie Aerts, cheffe du service Médiation du Musée national de la Marine de Paris ; et à Anne-Marie du Boucher, médiatrice au musée Girodet pour les témoignages !

Pour aller plus loin

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