De plus en plus de musées et monuments proposent des sacs d’exploration pour découvrir les collections en autonomie. Mais à quoi servent ces sacs ? S’agit-il d’un livret-jeu augmenté, moins scolaire ? Est-ce le même rôle qu’un audioguide, version sensorielle ? Pourquoi ne pas avoir recours à des bornes sensorielles fixes, dans ce cas ? On répond à toutes vos questions dans l’article du jour !
Un outil de médiation autonome au service de deux publics
Parmi les outils de visite autonome, les sacs d’exploration se font une place dans les lieux de patrimoine. Ces tote bags au contenu divers sont généralement prêté gratuitement, parfois contre une pièce d’identité, voire pour une somme symbolique. Mais à qui sont-ils prêtés ?
Deux publics-cibles se distinguent actuellement dans les offres de sacs d’exploration. En majorité, les sacs ciblent les familles avec enfants de 3-5 ans. C’est le cas au musée du quai Branly, au musée Girodet, au musée de la romanité, à la Maison du Fromage Abondance, etc. Plus récemment, des sacs à destination des personnes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA) voient le jour. Le musée des Beaux-Arts de Montréal fournit depuis 2022 des sacs sensationnels pour proposer de la neurodiversité aux enfants atteints de troubles de syndromes autistiques. Le musée du Louvre propose lui aussi des sensory bags. Le Musée national de la Marine de Paris a décidé de s’adresser à ces deux publics-cibles à la fois avec son sac du marin : « Dans le cadre de la rénovation, nous avons réfléchi à des offres inclusives, affirme Lucie Aerts, cheffe du service Médiation. Nous avons voulu que ce sac soit aussi adapté aux enfants avec troubles du spectre autistique, car les familles trouvent souvent peu d’offres adaptées à leurs enfants, lors de leurs sorties. Le sac, adapté aux 3-5 ans, peut aussi complètement être utilisé par des familles ayant des enfants d’âges différents : nous avons souhaité que notre offre participe à renforcer les liens intrafamiliaux et intergénérationnels ».
Selon le public, le contenu changera… Mais ça, c’est pour un prochain article ! Aujourd’hui concentrons-nous sur le pourquoi du comment les lieux patrimoniaux ont recours à ces dispositifs nomades.
Quel bénéfice avec les sacs d’exploration?
Les sacs d’exploration, qui renferment plusieurs objets, pourraient s’apparenter à un audioguide ou à un livret-jeux…mais en version bien plus augmentée ! Au Musée national de la Marine de Paris, le sac du marin complète le parcours de stations fixes : le sac pour les 3-5 ans, les stations pour les enfants à partir de 6 ans.
A la différence d’un livret-jeux, les sacs d’exploration permettent d’abord de visiter à son rythme, en faisant des activités de courte durée dans l’ordre qu’on veut selon l’attention du moment. En un mot, on n’est pas obligé de suivre l’ordre du parcours permanent. Anne-Marie du Boucher, médiatrice au Musée Girodet, a bien voulu présenter le dispositif de sa structure (on y revient plus bas), et développer les avantages par rapport à un livret d’activités : « Si les enfants ne peuvent pas repartir avec l’outil d’exploration comme avec un livret-jeu, il est néanmoins plus exploité que ne l’est un livret car il ne propose pas de chemin tout tracé en salle. Le parcours est différent à chaque nouvelle utilisation, contrairement à un livret-jeu. »
Au regard d’une visite commentée, les sacs d’exploration offrent plus de flexibilité. C’est un temps pour découvrir le patrimoine autrement, de manière ludique mais sans la contrainte d’une visite guidée. Anne-Marie du Boucher nous explique « Comme notre outil existe en 9 exemplaires (et 3 tailles différentes), il permet de proposer une aide à la visite de manière permanente aux familles qui se présentent au musée, contrairement à une activité captive qui requiert une préinscription, un rendez-vous à honorer et de se plier à un discours qui est le même pour tous les participants au lieu de s’adapter à chaque enfant. ».
Si les bornes interactives fixes permettent aussi cette flexibilité, Anne-Marie du Boucher voit ici encore un avantage aux outils d’exploration nomades : « Contrairement à du matériel qui serait laissé en salle, les gilets d’exploration n’envahissent pas l’espace du parcours d’exposition (afin de respecter un souhait de la conservation), même si les enfants peuvent y intervenir, notamment en laissant des post-it sur le mur près des œuvres avec lesquelles ils ont joué (post-it qui portent un nouveau titre ou un dialogue ou un titre musical écrit par les enfants) ». Lucie Aerts, cheffe du service médiation du Musée national de la Marine de Paris, abonde dans ce sens : « les sacs d’exploration nomades sont adaptables beaucoup plus facilement que des dispositifs fixes, qui sont souvent plus onéreux, moins souples, et qui demandent de la place dans le parcours de visite ».
Enfin, dernier avantage en comparaison d’autres outils pour les familles : « A l’aide d’un jeu de cartes, l’enfant devient maître de sa visite et choisit les œuvres avec lesquelles il veut jouer. Ou inversement : en jouant avec les œuvres à partir de la carte qu’il a piochée. L’enfant est acteur de cette visite et rentre dans une espèce de personnage, celui de l’explorateur dont il enfile la panoplie (gilet, jumelles, boussole, viseurs, badges, crayons, calepin avec des feuilles, etc.). »
L’affaire est dans le sac…ou dans la brouette !
A quoi ressemblent ces fameux sacs d’exploration ? Le sac doit assurer le confort de visite : être léger, peu encombrer les mains. Le tote bag est la forme la plus simple, choisie pour le « p’tit sac d’explo » du musée du Quai Branly notamment, et par plusieurs Musées Joyeux ayant recours au sac de muséojeux sur-mesure. Au British Muséum, une demi-douzaine de sacs façon Eastpack sont en service, tandis que le V&A propose des besaces, de même que le musée de la romanité. Plusieurs musées ont donc fait le choix du sac, pour un souci de praticité façon kit main libre. Mais il n’est pas nécessaire de s’y cantonner.
Certaines initiatives rivalisent d’imagination pour leur support ! Plutôt qu’un sac, le Musée Saint-Raymond a opté pour de petites mallettes en plastique. Plus étonnants, tout aussi pratiques à transporter qu’un sac.. J’ai nommé les gilets multipoches du musée Girodet ! Ces sacs ancrent l’esprit de l’institution dans l’esprit des visiteurs. Anne-Marie du Boucher, médiatrice au Musée Girodet, raconte le choix de ce support inattendu pour les enfants de 6 ans et plus : « Nous avons choisi de créer ces gilets dans la continuité de la signature de la charte Môm’art en 2018. L’objectif était de proposer un outil inspiré du sac muséojeux, mais en lui donnant une véritable identité « musée Girodet ». Les gilets sont un incontournable du musée, ils font vraiment partie de notre ADN et sont toujours plébiscités et utilisés par les familles ». Le musée s’amuse aussi avec les formats de ses dispositifs mobiles pour les 2-5 ans. Cette fois-ci, ni sac ni gilet, mais des boîtes à couture montées sur roulette pour une exploration sensorielle des collections en famille. Dans le registre du support surprenant et carrément ludique, la brouette de Julie est une brouette de jeu à pousser tout au long du parcours, à la Maison du Fromage d’Abondance.
En bref
Les sacs d’exploration ont plusieurs flèches à leur arc et permettent de toucher principalement les enfants, mais aussi toute personne présentant un handicap, et pourquoi pas les adultes allophones…ou même enfin assumer que les adultes francophones ont aussi envie de jouer ?
Rendez-vous dans le prochain article pour un focus sur le contenu des sacs d’exploration ! 😉
Et un grand merci à Lucie Aerts, cheffe du service médiation du Musée national de la Marine de Paris ; et à Anne-Marie du Boucher, médiatrice au musée Girodet pour les témoignages !
Pour aller plus loin
- Testé : le sac de Muséojeux au musée Berlioz
- Des sacs d’exploration : quel contenu ?
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