Ça roule au musée – 4 visites en fauteuil

Une fois n’est pas coutume, Exposcope reçoit une invitée. Laetitia, ancienne élève du parcours documentation et humanités numériques de l’Ecole du Louvre, nous raconte son expérience des musées en fauteuil.

En arrivant à l’École du Louvre j’ai découvert qu’il était possible d’emprunter un fauteuil roulant dans beaucoup de musées. Proposition très intéressante pour moi qui fatigue vite en restant debout. J’ai aussi des problèmes d’équilibre, je me porte mieux en évitant les escaliers. Bref, le fauteuil dans les musées c’est mon ami !

Je profite de ces expériences pour attirer votre attention sur l’accessibilité des musées aux personnes en fauteuil roulant (plus largement aux « personnes à mobilité réduite »). La situation est très variable, depuis les musées truffés d’escaliers et ne disposant pas d’ascenseurs à ceux qui ne posent aucun problème (au Louvre Lens, par exemple). Dans cet article je parle des musées « entre deux » : ils sont accessibles, mais…

 

Le musée du Louvre

Avant de rentrer dans le vif du sujet : tous les plans du musée incluent les informations pour les ascenseurs, c’est formidable. En revanche, pour arriver dans l’espace d’accessibilité il faut pousser une porte assez lourde (impossible en étant en fauteuil, c’est dommage pour un tel espace…)

Lorsqu’on connaît bien le musée et qu’on l’a arpenté dans tous les sens pour les cours, il est presque aussi facile de s’y retrouver avec les ascenseurs qu’avec les escaliers. Une lettre distingue chacun d’eux, ils sont bien fléchés et les collections desservies clairement indiquées. NB : Si vous êtes perdu, demandez au premier gardien venu, ils sont remarquablement bien renseignés et semblent connaître aussi bien les escaliers que les ascenseurs. Il y a au minimum un ascenseur ou petit-monte charge pour chaque espace. C’est formidable, et assez exemplaire quand on pense au nombre d’escaliers. Ce qui est dommage c’est que souvent ça ne permet pas de suivre le parcours de visite « normal ». Par exemple, on accède aux collections égyptiennes par la fin du parcours. Donc, soit on visite en remontant le temps, soit on passe en vitesse pour tout reprendre chronologiquement. (Je ne suis pas sûre que les touristes aient ce réflexe… Mais je reconnais que c’est difficilement solutionnable.)

Autre problème : la Vénus de Milo est desservie par un unique ascenseur ! À chaque fois que je veux aller là, je suis donc certaine de croiser au moins un groupe de touristes asiatiques (heureusement pour le reste ils préfèrent les escaliers …)

Au passage, il faut être musclé pour utiliser les monte-charges. Il faut appuyer sur le bouton -bien dur- pendant toute la durée de la montée (mention spéciale pour le monte-charge du bout des collections françaises).

Sortons des ascenseurs, passons aux toilettes. Au Louvre, c’est bien, il y a plusieurs WC adaptés aux fauteuils roulants (il me semble que tous les WC avec table à langer le sont). C’est appréciable de ne pas avoir à retourner en bas (ce n’est pas le cas partout, coucou musée d’Orsay).

Bon, forcément, il faut bien qu’il y ait un point négatif quelque part : la porte d’entrée est étroite. Meilleur moyen d’écraser des pieds, surtout lorsque la file de touristes s’ajoute.

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La moquette, votre alliée fitness !

Autre chose pour finir, le petit détail oublié que l’on remarque seulement par l’utilisation : les sols ! Au Louvre il y a une grande variété de sols. Le marbre du hall et les dalles du département des arts de l’Islam, c’est royal. Les pavés de la petite galerie, un peu moins, ça secoue bien. Quant aux tapis des appartements Napoléon, c’est l’occasion de se muscler les bras, surtout après un arrêt, lorsqu’il faut faire redémarrer le fauteuil qui s’est enfoncé dans la moquette  moelleuse.

 

Le musée du Quai Branly-Jacques Chirac

Au musée du quai Branly, tout était prévu dès sa conception. Prêts de fauteuils ou de sièges pliants, ascenseurs pour accéder aux collections… Il y a malgré tout quelques détails à souligner.

Les 2 ascenseurs qui permettent d’accéder aux plateaux des collections sont cachés dans la colonne : rien ne les indique, donc le visiteur zélé (moi, pendant un certain temps) passera par « la rivière » comme tout le monde. La rivière, c’est chouette, mais ça monte et c’est bosselé : de quoi se faire les bras (ceci dit en descente, c’est un toboggan géant !)

Par ailleurs, si l’accès aux étages inférieurs se fait seul, il faut demander aux gardiens pour accéder aux étages des collections. Une personne qui marche n’osera pas forcément aller demander même si elle en a besoin…

Côté toilettes, rien à redire. Tout a été prévu dès l’origine, il y a même un bouton pour l’ouverture automatique de la porte. (wow! Comme au musée d’Orsay)

Côté sols, c’est lisse et uniforme, la glisse est facile. En revanche, certains espaces du plateau peuvent parfois surprendre avec une légère pente. On est obligé de mettre les freins pour rester à l’arrêt.

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Roulez jeunesse !

Le musée des Arts et Métiers

Tous les étages sont desservis par 3 ascenseurs : 1 du côté de la section «transports », les 2 autres à côté de l’entrée. Pour les espaces en demi-étages il y a des monte-charges (comme dans l’église, pour éviter la passerelle très en pente donc dangereuse). A chaque visite, il y avait au moins un ascenseur en panne ou en dysfonctionnement. Heureusement, comme il y en plusieurs, je n’ai jamais été empêchée de visiter.

Pour les WC il y en a au moins un d’accessible à côté du restaurant (mais il faut être accompagnée ou demander pour passer la porte qui est limite en largeur.)

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Le célèbre fauteuil de Clément Ader 😉

Une dernière remarque, concernant la visibilité des objets en vitrine (la bonne nouvelle c’est qu’on peut y remédier). Il y a dans l’église plusieurs vitrines inaccessibles à cause de quelques marches. Ce n’est qu’une infime partie des collections, mais on est toujours attiré par ce qui nous est interdit… Quelques autres vitrines sont trop hautes pour bien voir les objets, comme dans la pièce des automates. Et surtout, les cartels sont mis à plat dans toutes les vitrines, donc illisibles : il faudrait qu’ils soient mis verticalement, ou peut-être simplement de biais, pour être visibles depuis le fauteuil.

 

Le musée Yves Saint Laurent

En préparant ma visite j’ai été agréablement surprise de savoir qu’il était accessible et qu’un fauteuil pouvait être proposé.

Petit malus : il n’y a actuellement qu’un seul fauteuil disponible à l’accueil. C’est pourquoi le musée demande de réserver avant de venir. Ce n’est pas grand chose mais c’est dommage : ça enlève de la spontanéité à la visite, il faut prévoir un jour et une heureOr il me semble qu’ajouter un ou deux fauteuils supplémentaires suffirait à répondre à la demande en supprimant ce système de réservation.

Malgré les espaces exigus, la circulation en fauteuil se fait sans problème. Même si la moquette bien bien épaisse, présente dans toute la partie Atelier, freine un peu.
Une salle qui présente des témoignages vidéos est accessible par une rampe raide mais l’agent de surveillance est disponible pour aider si nécessaire. De même, l’étage de projection du film sur la relation Bergé/Saint Laurent est inaccessible mais judicieusement compensé par le prêt d’une tablette à l’accueil.

Pour finir, avec mon fauteuil j’avais un avantage de taille en comparaison des gens debout : je peux lire bien plus facilement les cartels placés en bas !

 

En bref

L’accessibilité d’un musée aux personnes  en fauteuil ne se résume pas à des ascenseurs et  des rampes. Divers détails souvent oubliés (les sols, la largeur et le poids des portes, la hauteur des vitrines et des cartels) entrent en compte dans l’expérience de visite.

 

Pour aller plus loin

Le Guide pratique de l’accessibilité publié par le ministère de la Culture en 2007 ( le prêt de fauteuils est évoqué aux pages 138-139) 

Quelques petits compléments en vidéo :

Pages dédiées à l’accessibilité sur les sites web des 4 musées : 

A noter : les musées du Louvre et du quai Branly organisent tous deux une semaine de l’accessibilité annuelle dont on guette les dates pour 2019 😉

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