Dans la famille des musées récemment rénovés, je voudrais le musée Carnavalet ! Après le musée d’histoire de Lyon, c’est celui de Paris que je vous présente sur le blog.
De la cohérence des modules
Cinq ans après sa fermeture pour travaux, le musée Carnavalet s’est enrichi de dispositifs de médiation dans un parcours désormais chronologique. De la préhistoire à aujourd’hui, les collections sont accessibles à tous, aussi bien aux PMR, qu’aux enfants ou aux handicapés visuels, entre autres.
Le parcours comporte plus de 3 900 m² ! Le propos offre différentes entrées sur les œuvres : histoire, géographie, iconographie, techniques de créations… La richesse des dispositifs de médiation n’a d’égal que la richesse des collections ! Des enseignes de marchands, en passant par du mobilier XVIIIe siècle, les peintures, des maquettes, des stèles funéraires gallo-romaines, des collections de nature très variées illustrent l’histoire de la capitale française.
Pour être cohérent tout au long des nombreuses salles, le musée a opté pour la même approche qu’à l’hôtel de Gadagne. Au musée d’histoire de Lyon, l’audio côtoyait des cartels à feuilleter à côté des œuvres, le tout formant des îlots. Les îlots du musée Carnavalet sont aussi facilement repérables et scandent le parcours. Ces modules multiplient les points d’entrée vers les collections : le jeu pour dynamiser la visite, le FALC pour le rendre compréhensible de tous (jeune lecteur, allophone ou handicapé), l’audio pour les handicapés visuels… Le tout est unifié par un mobilier sobre, géométrique et noir. Ces tables-vitrines présentent des biens culturels mais sont aussi entourées d’œuvres accrochées aux murs : ce sont comme des îlots au milieu des très nombreuses œuvres présentées.
Des textes 3 en 1 pour une accessibilité universelle
Textes, panneaux de section et cartels sont disponibles en trois langues. Ils associent le FALC court (idéal pour le visiteur lambda qui fatigue à la fin de la visite), des dispositifs ludiques et tactiles (braille, dessins en relief et couleurs contrastantes, reproduction d’œuvres). Cette base 3 en 1 est souvent complétée par des pistes audio malicieusement nommées « Écoutez pour voir » , ou encore des visuels de type schéma. Les pistes audio sont plus développées qu’un simple cartel lu. C’est plutôt comme une piste d’audioguide, qui mène notre regard sur les œuvres. Les textes de section sont ainsi accessibles aux mal et non voyants, aux enfants, aux anglophones et hispanophones, aux handicapés mentaux, aux PMR vu leur hauteur, aux allophones…
Les textes sont comme un complexe au service d’un thème ou d’une œuvre. Bien que le propos soit riche et la médiation abondante, ce n’est pas disparate. On sent un fil conducteur au travers de ces textes ultra riches, et tout un chacun y trouve son compte. On ne sépare pas les publics selon des dispositifs ciblés. On donne accès à tous, simultanément, à un propos cohérent : c’est l’accessibilité universelle à laquelle les musées du XXIe siècle doivent tendre. Comme le dit si bien Sophie Cluzel dans le Journal des Arts*, « l‘accessibilité dans les lieux patrimoniaux, c’est au bénéfice de tous ! » : « quand le cheminement pour les fauteuils roulants est amélioré, la visite des personnes âgées est facilitée. Quand des fiches explicatives des œuvres rédigées en FLAC […] sont mises à disposition des personnes déficientes intellectuelles, c’est utile aussi pour les personnes, de tous âges, qui ne maîtrisent pas totalement le français, par exemple des personnes récemment arrivées en France. Quand les enjeux du handicap progressent, c’est toute la société qui avance ! » ».
Une offre ludique pléthorique
Pouvait-on rénover un aussi grand musée, dans une capitale, sans proposer une offre de médiation ludique ? Depuis les débuts du blog, soit il y a 4 ans, on vous parle de jeu au musée. Ici on est rassasié. En début de parcours, des pièces portant des dessins sont à assembler, pour recréer les blasons de la ville de Paris selon les époques. Plus loin, à la manière d’un livret-jeux où il faudrait relier les paires, un fac-simile d’un vase fragmentaire est mis à côté de plusieurs fragments : à nous de jouer à l’archéologue, et de retrouver celui qui correspond au vase. Ailleurs, un jeu de languettes permet d’associer des attributs aux dieux gaulois ou romains, et de tester ses connaissances sur l’iconographie.
Un puzzle coulissant questionne sur la manière d’ordonner les fragments d’une mosaïque gallo-romaine : au fur et à mesure que l’on bouge les pièces de ce casse-tête, une projection en montre le résultat directement sur la mosaïque conservée.
En fin de parcours, une maquette façon maison de poupée permet de construire la rue de Rivoli et de comprendre l’ordre de l’architecture. Quelques-uns de ces dispositifs sont visibles dans la vidéo ci-dessous :
Pour finir sur une touche d’interaction supplémentaire, n’oublions pas les tiroirs-vitrines ! Ils apportent du contenu en complément des vitrines, ainsi qu’une touche de surprise. Mais leur design sobre les fait souvent passer inaperçus. J’étais l’une des seules à les ouvrir… La faute sans doute à un design trop épuré, moins identifiable que les tiroirs dont je vous parlais ici, en 2021 !
En bref
Le musée Carnavalet réussit le pari de l’accessibilité universelle sans surcharger le parcours, dont le propos est limpide, et vraiment très riche ! Il serait utopique de vouloir tout voir en une seule visite, d’ailleurs je ne vous parle pas des dernières salles, que je n’ai pas eu le temps d’apprécier à leur juste valeur. C’est plutôt une exposition permanente à savourer en plusieurs fois, comme au musée du Louvre ou d’Orsay. On y reviendra avec plaisir !
Infos pratiques
Musée Carnavalet – musée de l’histoire de Paris
23 rue de Sévigné
75003 Paris
Du mardi au dimanche, 10h – 18h
Pour aller plus loin
- CLIC France, « Avec le nouveau musée Carnavalet, Paris s’offre un écrin pour partager son histoire avec un plus large public », 2 juin 2021, un article très complet et chiffré sur tous les dispositifs créés pour la rénovation du musée
- Le Quotidien de l’art, « Paris déconfine son histoire à Carnavalet », 23 mai 2021, Sarah Hugounenq
- Le Journal des Arts, « Le Musée Carnavalet rouvre après quatre ans de travaux », 27 mai 2021, Sindbad Hammache
- *Le Journal des Arts n°, « Sophie Cluzel : » L’accessibilité dans les lieux patrimoniaux, c’est au bénéfice de tous ! « », Jean-Christophe Castelain, 28 février 2021, page 8