Félins

Dans quelques jours, l’exposition Félins fermera ses portes. L’occasion pour moi de revenir sur une belle réussite du Muséum National d’Histoire Naturelle, inspirante à plusieurs égards.

Le casting est à croquer : lions, panthères, jaguars et autres matous prennent la pause dans la grande exposition du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN). Section après section, on découvre la diversité du monde félin, les techniques de chasse, et les liens entres cette famille d’animaux et les humains. Les taxidermies exposées sont de belle facture : exit les naturalisations dérangeantes, ici les pauses des spécimens sont dynamiques, et représentatives de l’activité de ces espèces. Un régal pour les yeux, et comme en plus la médiation est diversifiée, on en ressort enrichi pédagogiquement. Selon les sections, on parle science, histoire de l’art, pop culture….

Niveau scénographie, tout se passe sur fond noir : sols, cimaises, escaliers, tout est pensé comme un écrin mettant les pelages en lumière, par contraste. La première impression de l’exposition est justement une vidéo d’une lionne s’abreuvant de nuit : cette projection est directement face à vous, à votre niveau. Elle vous saute aux yeux, la silhouette du félin se détachant sur le fond noir de la première cimaise. Ce face-à-face est saisissant. Certaines taxidermies sont aussi très impressionnantes : des spécimens semblent flotter, suspendus par des fils quasiment invisibles. On ne passera pas à côté par exemple d’une panthère représenté en plein saut, chassant sa proie.

La première impression en entrant dans l’expo : cette lionne s’abreuvant

Quelques touches d’humour confèrent au parcours un peu de légèreté : avant de pénétrer dans l’espace d’exposition, une consigne rappelle le bon comportement à adapter lorsqu’on rencontre un félin ; un arbre de classification phylogénétique des félins est intitulé avec malice « arbre à chat »… Et au-delà de la scénographie esthétique, du ton clair et parfois humoristique, qu’en est-il de la médiation ?

Une chasse impressionnante

Numérique et ludique

Comme souvent dans les grandes expositions dont on parle sur Exposcope, la médiation est multi-facette : à la fois ludique, sensorielle et numérique. Ainsi, dans la première section, un défilé de félins se présente sur un long mur. Pour connaître les spécificités de telle espèce, plusieurs écrans regroupent les espèces qui sont les plus proches de ces écrans. On a comme une fiche d’identité, et on peut même écouter le son de l’animal, mugissement ou miaulement. La bonne idée : le marchepied qui permet aux plus petits de participer pleinement à l’expérience. Certains dispositifs sont descriptifs, comme une projection dans une alcôve, façon documentaire animalier. En fin de parcours toutefois, d’autres écrans sont plus poétiques. Des histoires et contes mettant en scène des félins sont illustrés avec un graphisme très artistique.

Une cimaise tout en longueur !
Le premier espace d’exposition
Une histoire narrée grâce à un joli graphisme

A l’image des expositions passées du MNHN, l’expo Félins regorge de jeux et manip’ : un qui est-ce pour jouer à plusieurs, un cherche-et-trouve où une lumière blanche éclaire un indice, ou encore un grand écran à reconnaissance de forme. A l’image d’un mémory, de nombreuses images de pelages variés sont à rassembler par paire. Une fois la paire constituée, l’écran délivre des informations sur le pelage et l’espère à laquelle il appartient.

Qui est-ce ?

Vers l’inclusion des publics

Dans les grands musées parisiens, la foule est au rendez-vous, impliquant nécessairement une grande variété de profils de visiteurs. La médiation doit alors répondre à des besoins divers, dans un espace unique. Les familles, public s’il en est dans les muséums en général, ont évidemment de quoi se mettre sous la dent dans cette exposition. Un parcours a été pensé pour les plus jeunes, constitué de cartels bien identifiables par leur mascotte : un chat noir dessiné prenant la parole. Détail rigolo, cette silhouette se glisse parfois au milieu des spécimens exposés. En fin d’exposition, ce chat s’anime même sur un dispositif numérique. Sur une projection documentaire, c’est le chat qui explique les différentes étapes de la domestication du chat.

Une table inclusive, entre un spécimen, un arbre (généalogique) à chats et un cartel enfant identifiable à sa mascotte !

Pour les publics allophones, dyslexiques ou en situation de handicap mental, les concepts-clefs sont traduits en FALC (Français Facile A Lire et à comprendre) sur une quinzaine de pupitres tactiles et sonores. Dans un souci d’inclusion, pour proposer une expérience la plus homogène possible à une diversité de profils, ces pupitres sont aussi accessibles en audiodescription et en Braille, avec des illustrations en relief. C’est le cas par exemple d’un pupitre démêlant le vrai du faux sur le smilodon, le tigre à dents de sabre. Ces tables de médiation ont même des reproductions tactiles en fin de parcours. Lorsque l’expo évoque le lien homme-animal, notamment à travers l’histoire de l’art, on peut ainsi toucher des reproductions de statues zoomorphes. Ces tables ont comme un air de déjà vu  souvenez-vous de celles du musée d’Aquitaine ou de celles du musée Carnavalet ! Dans une des dernières sections du parcours, une de ces tables dispose d’un tampon : on peut repartir avec le signe chinois relatif au tigre soit sur sa peau directement, soit dans son carnet de dessin par exemple. Encore un chouette exemple de médiation emportable !

Illustration en relief

L’entièreté du parcours est ponctué de manipulations, souvent sensorielles, pour comprendre en faisant soi-même le fonctionnement des félins. Est-il encore utile de rappeler la versatilité de tels dispositifs de médiation ? D’autant plus qu’ici, certaines manip’ ludiques peuvent être découvertes par les yeux autant que par le bout des doigts, car les images des manip’ sont doublées de traits de contour à toucher, en relief texturé. Par exemple ces silhouettes de félins : seules les oreilles dépassent du bac dans lequel elles sont rangées. A vous de les observer, ou de les toucher, pour deviner à qui appartiennent ces oreilles. Le lien entre forme et fonction est ainsi mis en évidence, via un dispositif unique pour plusieurs typologies de public.

Tirer les oreilles pur découvrir à qui elles appartiennent
On devine l’épaisseur rajoutée en résine sur les rayures du pelage

Le confort des grands espaces

J’ai visité cette exposition un jour de forte fréquentation, pendant les vacances. Malgré la foule, plus animée dans un muséum que dans un musée de beaux-arts ; malgré le nombre ed dispositifs sonores ; malgré la superficie de l’exposition, je n’ai pas ressenti de museum fatigue. Le MNHN a en effet le luxe d’une grande superficie, qui permet de drainer les flux de visiteurs. En outre, les dispositifs sonores étant (tous ?….) diffusés par douche sonore, limitant les interférences audio. Enfin, chose très appréciable : les assises étaient disposées tout au long du parcours, et pas seulement devant les écrans ! Certaines assises ont même un dossier : c’est du luxe. Quel plaisir de faire une pause pour savourer une exposition, sans être rattrapé par les jambes lourdes, le mal de tête dû au son, ou autres petits désagréments des lieux publics !

En bref

Un beau millefeuille de médiation, où chaque étage se distingue de manière lisible et légère, grâce à l’attention portée au confort de visite.

Infos pratiques

Félins, au Muséum National d’Histoire Naturelle
Jusqu’au 21 avril
Grande Galerie de l’évolution – 36 rue Geoffroy Saint-Hilaire
75  005 Paris

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