Magies, sorcelleries (31)

Au son de musiques rituelles, au gré des senteurs mystérieuses, parmi les loups, chats noirs et autres crapauds, l’exposition du Muséum nous emmène entre science et croyance. Retour sur notre première exposition depuis la réouverture !

Pour notre première sortie culturelle, l’équipe d’Exposcope s’est retrouvée dans une exposition co-produite par le Muséum de Toulouse et le musée des Confluences de Lyon, portant sur la magie, entre savoirs scientifiques et savoirs occultes. Magie scientifique et jeux d’optiques, sorcières et hérésie, divination, chamans de pays lointains ou de nos régions… la magie est examinée sous toutes ses coutures !

Un parcours sensitif et immersif

La scénographie a été pensée par Marion Lyonnais de l’agence Fakestorybird. A ce sujet, le site web du Muséum nous prévient : « sensible et créative [elle], s’approprie des géométries abstraites, des effets d’illusion, des vibrations, des incertitudes spatiales. Des jeux optiques détournent le réel et invitent à voir l’invisible… Le parcours requiert toute l’attention du visiteur et perturbe ses sens ». Rien que ça !

L’expérience immersive a d’abord commencé en ligne, confinement oblige*. Mais aujourd’hui, je vous parle de l’exposition in situ : dès la première salle, une odeur douce mais bien présente titille nos narines malgré les masques. On peut s’amuser à deviner les éléments qui composent ce parfum en regardant les plantes qui sont suspendues au plafond. Cette odeur m’a beaucoup plu, d’autant plus que je sais qu’il est compliqué de produire des odeurs à la fois fines et reconnaissables (coucou la galère des visites multisensorielles). Bluffée par ce parfum, je suis allée poser quelques questions au Muséum. Gaëlle Cap-Jedikian, cheffe de projet de l’exposition Magies, Sorcelleries, a bien voulu lever le mystère : le Muséum a fait appel à un sculpteur d’odeur, Michael Moisseeff. Cet ancien grand nez de parfumeur a créé un parfum sur-mesure, incarnant l’ambiance de « plantes magiques et rurales, de fin de journée d’été, onirique » que le Muséum imaginait. Le dispositif est très discret : il ne s’agit pas d’une poire à actionner comme à la Cité du Vin, ni de supports à soulever comme au (feu) Grand Musée du Parfum, mais d’une odeur diffuse qui flotte dans l’air. Concrètement, le cocktail d’huiles essentielles et de distillats est « vaporisé une fois tous les quinze jours, il s’agit d’une odeur rémanente plus ou moins forte selon le moment où l’on visite l’exposition ». On croirait l’odeur tout droit venue des plantes suspendues dans la pièce. L’effet est vraiment top !

L’odorat est donc titillé, puis l’ouïe est aussi sollicitée. Des sons dans le lointain, qu’on perçoit depuis toute l’exposition, émanent plus particulièrement d’un espace évoquant une tente de chaman. C’est ensuite au tour de nos yeux de travailler. En divers endroits, la vue nous fait défaut : jeux d’optiques, salles plongées dans la pénombre, etc. Mais alors, si les salles sont noires, comment tout le monde s’y retrouve ?…

Ambiance olfactive dès la première salle de l'exposition
Ambiance olfactive dès la première salle de l’exposition © Jacques Sierpinski

L’accessibilité universelle

« Quand le cheminement pour les fauteuils roulants est amélioré, la visite des personnes âgées est facilitée. Quand des fiches explicatives des œuvres rédigées en FALC […] sont mises à disposition des personnes déficientes intellectuelles, c’est utile aussi pour les personnes, de tous âges, qui ne maîtrisent pas complètement le français, par exemple des personnes récemment arrivées en France. Quand les enjeux du handicap progressent, c’est toute la société qui avance ! »** Cette citation résume bien ce que j’ai perçu de la démarche du Muséum de Toulouse (si pour toi aussi « accessibilité universelle » a une résonance particulière, fais-nous signe dans les comm’ 😉 ). Tout le monde trouve son compte dans cette exposition.

Certes le musée est dans la pénombre, mais les textes sont majoritairement assez gros, assez clairs et pas trop brillants pour être lisibles. Au cas où, un feuillet de visite pour déficients visuels est disponible en début de visite, de même qu’un livret en FALC. Pour ce qui est de l’accessibilité physique, l’exposition est tout à fait accessible en fauteuil. Hormis quelques petites niches abritant de toutes petites pierres précieuses, la grande majorité des œuvres et des textes est facile d’accès, les fauteuils pouvant s’engager sous les supports horizontaux et circuler dans cet espace de plain pied desservi par ascenseur. Dans le diorama rassemblant divers animaux de mauvais augure, les spécimens sont disposés à des niveaux variés. On peut observer des animaux haut perchés comme les oiseaux, mais aussi une panthère noire à mi-hauteur, ou un chat noir présenté au ras du sol. Parce que oui, cette exposition peut se faire autrement que debout !

Diorama animalier © Jacques Sierpinski

A quatre pattes

Le public habituel du Muséum est constitué de familles occitanes, d’ailleurs ce mercredi après-midi-là, il y avait majoritairement des familles autour de nous. Cette fois-ci le Muséum a souhaité élargir son offre en s’adressant aux familles certes, mais aussi spécifiquement aux tout-petits. Des vitrines au sol, façon hublots, sont disséminées dans le parcours. A quatre pattes ou accroupi, on peut s’amuser à chercher le lapin blanc parmi la faune et la flore d’une forêt dense et sombre, toute en ombres chinoises. Les dispositifs et ateliers pour bébés (des initiatives pour 0-3 ans comme on en voit ici ou là) sont de plus en plus nombreux au musée, une tendance à suivre de près !

Cherche et trouve la sorcière dans le décor en papier découpé © Jacques Sierpinski
Cherche et trouve la sorcière dans le décor en papier découpé

Mais comment une exposition peut-elle être immersive, remplie de dispositifs pour des publics divers, avec une scénographie plutôt discrète à la clé ? Une des nombreuses clés de l’exposition : sa fluidité ! Les salles sont accessibles aux fauteuils roulants, il y a des dispositifs pour bébés, des dispositifs multisensoriels, du FALC… Mais tout cela est diffusé de manière très discrète : le parfum ne sort pas d’un endroit précis mais embaume tout le premier espace, le son d’un espace est audible depuis toute l’exposition, et ainsi de suite. Je ne me serais pas posé la question de l’accessibilité aux PMR si je n’avais pas accompagné quelqu’un en fauteuil, car le Muséum n’a utilisé qu’un mobilier discret.

Vue de l’exposition temporaire Magies, Sorcelleries © Jacques Sierpinski

Une proposition audio audacieuse : une expo pas si neutre

L’exposition est doublée d’un parcours de visite sur mobile avec séances d’auto-hypnose devant les œuvres. Ce dispositif hors normes et innovant est proposé par une sorcière contemporaine : Marie Lisel, maîtresse praticienne en hypnose éricksonienne, mais aussi « Sorqueer » (sorcière queer éco-féministe***). Pour profiter de ce parcours, il suffit de se connecter au réseau du Muséum, sans rien télécharger : la manip’ est très facile. Une fois vos écouteurs branchés, 6 pistes de 6 minutes, s’offrent à vous, indiquées aux trois quarts de l’exposition. Mon sac était lourd, j’étais fatiguée donc je n’ai pas eu le courage de faire 36mn de visite supplémentaire à ce moment. Gaëlle Cap-Jedikian , cheffe de projet de l’exposition Magies, Sorcelleries, explique pour Exposcope : le Muséum souhaitait proposer une première lecture de l’exposition, classique, avant de relire le parcours en explorant cette fois-ci la magie intérieure du visiteur. « Après être parti très loin dans le temps, remonte jusqu’à la magie universelle, puis enfin sa propre magie intime.  »

Mais quelle idée étonnante que de proposer de l’hypnose dans un lieu de culture scientifique ! J’ai voulu en savoir plus et ai demandé à l’équipe du Muséum comment ce choix s’était opéré. « Lors de l’investigation sur les nouvelles sorcières dans le cadre de l’exposition, l’équipe a rencontré Marie Lisel. L’idée était d’ouvrir l’exposition aux nouvelles sorcières et à l’art magique. Cette sorqueer propose habituellement des thérapies par l’hypnose intimement liées à des éléments naturels, qu’il s’agisse de chevaux ou d’arbres. Le Muséum a proposé à Marie Lisel de retravailler ensemble le parcours, en s’appuyant sur le rapport intime aux éléments naturels exposés. ». Qu’il s’agisse de faire appel à un sculpteur d’odeurs ou à une sorqueer, l’intégrité est très importante pour le Muséum, c’est-à-dire permettre de « créer quelque chose de simple, au plus proche du travail des interlocuteurs, en leur offrant un espace de création dans leur champ de compétences ».

Le sujet à observer lors de la première piste d’auto-hypnose © Jacques Sierpinski

Fatiguée mais quand même très curieuse, j’ai pris le temps de suivre la première piste de cet audio-guide si atypique. Breaking news : je ne suis pas rentrée en transe, je ne me suis pas mise à tourner sur moi-même comme une toupie ou autre. J’ai fait ce qui m’a fait penser à un body scan d’un loup, soit un exercice de méditation. De l’instinct à la magie intérieure, il n’y a qu’un pas. Si je n’ai pas eu d’expérience magique façon Disney, j’ai en revanche beaucoup apprécié cette expérience ! C’est l’occasion de se poser : les écouteurs coupent le bruit des visiteurs, la première piste est située face à des gradins pour s’asseoir, et la voix off nous guide dans l’observation du spécimen éclairé par la lune. Un temps calme bien agréable au milieu du tumulte de la ville, dans un lieu paisible et mystérieux ! Sans cette piste, je serais restée dans le rythme pressant de la ville. Au lieu de quoi j’ai vraiment pris le temps de regarder et d’apprécier un animal naturalisé avec brio, dont je vois encore la position et les mouvements du pelage en écrivant ces lignes. Non seulement j’ai pris plaisir à faire une coupure, mais cela m’a redonné envie de visiter autrement, à mon rythme, en observant vraiment ce qui m’entoure quitte à ne pas tout visiter. Le musée repose, le musée fait du bien ! Vive la réouverture des musées !

En bref

Une belle exposition à la scénographie discrète qui vous plonge dans les mystères des magiciens et sorciers grâce au multisensoriel ! Et si vous êtes aussi intrigué que moi à l’idée de s’auto-hypnotiser au musée, sachez que le Muséum a aussi mis en ligne une piste d’hypnose à faire chez soi, « Réveillez votre magie intérieure ».

Cette approche vous laisse-t-elle de marbre ou êtes-vous prêts à vivre une expérience hors norme au Muséum ?
Donnez-nous votre ressenti dans les comm’ 😉

Infos pratiques

Jusqu’au 2 janvier 2022
35 allées Jules Guesde – 31 000 Toulouse

Réservations en ligne juste ici !

*Pour pallier la fermeture des lieux culturels, le Muséum a mis en ligne de très nombreuses ressources en ligne : des ressources pour la jeunesse (contes, jeu interactif, sélection de livres, tutos), des ressources scientifiques, des ressources immersives (tableau Pinterest, playlist, podcast de l’audioguide), et j’en passe. A noter parmi les ressources immersives, ce grimoire numérique, qui est une expérience à part entière, toujours entre science et légende. Au gré de votre avancée dans un paysage, rythmée par une ambiance sonore, vous interagissez avec de nombreux spécimens ou artefacts.

Pour prolonger sa visite, on peut aussi acheter la gazette Vox, dont le Muséum a édité 5 numéros : un parfait complément pour creuser un peu plus les grandes figures des sorcières, le pouvoir des plantes, etc. C’est plutôt autour de l’exposition que dans celle-ci que le Muséum aborde le rapport sorcellerie/féminisme, notamment dans le n°3 de Vox et dans les ressources en ligne.

Merci à l’équipe du Muséum de Toulouse, et plus spécialement à Gaëlle Cap-Jedikian, cheffe de projet de l’exposition Magies, Sorcelleries, d’avoir pris le temps de répondre à mes questions !

Pour aller plus loin

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