L’Éducation Artistique et Culturelle, ou l’éducation à l’art et par l’art

Le remaniement du Ministère de la Culture en janvier 2021 crée une nouvelle délégation dédiée, entre autres, à l’EAC. L’occasion pour Exposcope de se pencher sur ce sigle.

Le B.A. BA de l’EAC

L’EAC, ou Éducation Artistique et Culturelle, est un des axes de la politique culturelle des ministères de l’Éducation et de la Culture depuis plusieurs décennies. Le remaniement du Ministère de la Culture en janvier 2021 crée une nouvelle délégation dédiée, entre autres, à renforcer l’EAC. Le Haut Conseil de l’Éducation Artistique et Culturelle encourage, valorise et étudie les initiatives relatives à cette politique commune aux ministères de l’Éducation et de la Culture, et ce projet est encadré par une charte en dix points, dont voici les trois principaux.

La culture doit être accessible à tous, particulièrement aux jeunes, mais aussi tout au long de la vie avec des actions aussi bien en écoles, centres de loisirs, IME (Institut Médico-Educatif), hôpitaux ou EHPAD. Si l’EAC s’illustre majoritairement à l’école, on parle aussi du temps péri-scolaire immédiatement avant ou après l’école (transports scolaires, cantine, étude surveillée) et du temps extra-scolaire (weekends et vacances). L’enseignement d’histoire des arts a ainsi été généralisé, et pour aider les enseignants à se former, les mallettes pédagogiques se révèlent bien utiles. Dans le but de rendre la culture accessible de manière égalitaire, les territoires dits éloignés comme la campagne, les quartiers prioritaires urbains et l’outre-mer font l’objet d’attentions particulières.

L’éducation doit se faire par l’art comme média de transmission. On s’éduque par la rencontre avec les œuvres, la rencontre avec les artistes et par la pratique artistique. On pense aux ateliers de pratiques artistiques en musées, mais l’EAC ne concerne pas que les musées, loin de là ! De nombreux autres domaines sont visés : arts plastiques, arts visuels, pratique au sein d’une chorale ou encore d’un orchestre, par exemple.

Une culture partagée, savante et populaire doit être promue. L’éducation artistique et culturelle est indispensable à la démocratisation culturelle et à l’égalité des chances. Au-delà du débat démocratisation/démocratie culturelle, la culture savante et la culture populaire doivent toutes deux être diffusées. Cinq actions sont à inciter pour développer cette culture commune : chanter, lire, regarder, s’exprimer à l’oral et développer son esprit critique.

Visite multisensorielle dans le cadre du dispositif La classe, l'oeuvre
Visite multisensorielle dans le cadre du dispositif La classe, l’oeuvre © musée national Jean-Jacques Henner

Des dispositifs définis, mais pas que

L’EAC est un terme qui désigne de nombreux projets libres, initiatives internes à des musées, à des écoles ; mais aussi des dispositifs définis par les Ministères, communs à de nombreux sites en France. Les acteurs de ces dispositifs peuvent être, à côté des ministères de l’Éducation et de la Culture, à la fois des musées (qui comptent parfois des enseignants dans leur équipe), des conservatoires, des théâtres, des médiathèques, des associations, des artistes en résidence, des collèges… Les institutions peuvent s’inscrire dans ces dispositifs via un dossier en ligne, et ainsi apparaître dans les communiqués officiels ainsi que sur des cartes interactives. Voici 4 exemples de dispositifs développés en réseau, partout en France.

  • La Classe, l’œuvre : les élèves sont amenés à exposer leurs créations et/ou à devenir médiateurs le temps de la Nuit des musées, à l’issue d’un cycle de visites et ateliers. La vidéo du projet 2018 de l’IMA rend bien compte du temps long dans lequel s’inscrit le dispositif, séance après séance.
  • École et cinéma, Collège au cinéma, Lycéens au cinéma : différents partenariats sont mis en place entre le CNC, le Ministère de l’Éducation et les collectivités territoriales. Un catalogue annuel de films est disponible pour chaque cycle, accompagné de pistes de réflexions.
  • C’est mon patrimoine : ce dispositif se déroule sur le temps extra-scolaire, pendant les vacances. A destination des jeunes issus de zones prioritaires, il peut prendre plusieurs formes, par exemple un stage de pratique artistique pour des centres de loisirs.
  • Création en cours : en soutien aux jeunes artistes en résidence dans les écoles et collèges les plus éloignés de l’offre culturelle, ce dispositif a pour but de renforcer la présence artistique auprès des élèves de CM1, de CM2 et de 6e. Des artistes diplômés depuis moins de 5 ans sont accueillis en résidence dans des écoles habituellement éloignées de l’offre culturelle.
Projet d'EAC au musée de l'Orangerie © LP/Philippe Labrosse
Projet d’EAC au musée de l’Orangerie © LP/Philippe Labrosse

L’Apocalypse joyeuse, un exemple associatif en temps de crise

Une fois n’est pas coutume, on ne va pas vous parler d’un musée sur Exposcope. Cette fois-ci, la parole est à Maëva Guillemet, co-fondatrice de L’Apocalypse joyeuse, une compagnie de spectacle vivant et de démocratisation culturelle. Merci à Maëva Guillemet d’avoir répondu aux questions de Lucie Mugnier pour Exposcope, et merci à Lucie pour la retranscription !

« L.M. : Comment l’Apocalypse Joyeuse s’insère-t-elle dans le dispositif ministériel ?

M. G. : Notre premier projet s’inscrivait dans le dispositif Création en cours des ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, qui promeut l’EAC. Il offre une subvention de 10 000 €. C’est ouvert à toute personne sortant d’une école nationale supérieure d’art, pour nous l’École du Louvre et l’École de la comédie de Saint-Étienne. Nous étions intéressés par l’alliance entre éducation et création et la relation au sensible et au corps. La nécessité d’aller dans des territoires éloignés de l’offre culturelle (ruraux ou urbains) nous portait politiquement. L’association a été reconnue d’intérêt général, ce qui nous permet d’avoir davantage de subventions et de faire appel à des dons défiscalisés. Cet argent est entièrement réinvesti dans les projets : nous ne percevons aucune rémunération en dehors des projets menés. Notre projet actuel, Il est nuit, est en cours de création avec les Ateliers Médicis et le CLEA de Toulon-sur-Arroux.

L.M. : Comment monter un dossier de subventions ?

M. G. : Nos actions s’inscrivent dans un territoire donc nos subventions sont surtout locales. Les pièces de dossier les plus importantes sont la note d’intention, qui va à l’essentiel : gros titres, photos, mots-clés (le jury la parcourt rapidement), et le budget prévisionnel, qui doit être à l’équilibre. Il ne faut pas hésiter à gonfler les dépenses ! On peut citer les administrations dont on espère des financements, pour montrer que le projet s’inscrit bien dans un territoire et qu’on connaît les prérogatives de chacun : l’EAC fait partie du cahier des charges des collectivités territoriales. Une fois les dossiers déposés, il faut appeler régulièrement pour connaître le référent et savoir quand se réunit la commission de choix : la secrétaire de mairie doit devenir ta meilleure copine ! Les délais de réponse sont souvent longs, et les subventions parfois versées après le projet : il faut prévoir un peu de trésorerie !

L.M. : Quel est l’intérêt pour l’association de s’inscrire dans un dispositif ministériel ?

M. G. : Le « cachet ministériel » ouvre beaucoup de portes à l’échelon local et permet d’avoir une visibilité dans la presse.

L.M. : Comment avez-vous géré l’Apocalypse Joyeuse en temps de Covid ?

M. G. : Le hors-les-murs a pris tout son sens. C’était assez simple avec les publics scolaires, nos outils étaient conçus pour être itinérants et nous avons configuré l’espace en cercle pour respecter les distances de sécurité, ce qui a favorisé la communication ! Pour le public du champ social, nous avons été reçus sur leur lieu de vie : la Maison-Relais « La Forêt », une structure collective gérée par Habitat & Humanisme. Ils étaient heureux et fiers de nous accueillir, ça fait tomber des barrières, c’est important dans le cadre d’une action culturelle. »

Animation en classe par l'Apocalypse Joyeuse
Animation en classe par l’Apocalypse Joyeuse © Apocalypse Joyeuse

Nouvelles perspectives pour l’EAC

Depuis 2018, les ministères chargés de l’Éducation nationale et de la Culture développent ensemble un plan d’action ciblé, l’objectif « 100 % EAC », un label accordé aux communes particulièrement engagées dans l’EAC. Les objectifs de l’EAC ciblés pour 2020-2021 sont de nouvelles actions en direction des lycées professionnels, et la généralisation d’Adage, application mobile au service des projets portés par les professeurs. Une plateforme a aussi été créée pour recenser les offres d’EAC en France, elle permet aux artistes et acteurs culturels de rentrer leurs propositions.

En 2021, la refonte du Ministère de la Culture crée une Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, réaffirmant encore la place de l’EAC. L’Institut national supérieur de l’Éducation Artistique et Culturelle (Inseac) ouvrira d’ailleurs à Guingamp à la rentrée 2021. Son but ? La recherche en matière d’EAC, et la formation certifiante pour les étudiants, artistes, élus, médiateurs conduisant des projets en matière d’EAC. Le projet regroupe de nombreux acteurs locaux et ministériels : Cnam, le conseil régional de Bretagne, le conseil départemental des Côtes d’Armor, les ministères de la Culture, de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, l’agglomération Guingamp-Paimpol… La rentrée des étudiants devrait s’effectuer en septembre 2021.

Atelier de pratique artistique au musée national Jean-Jacques Henner
Atelier de pratique artistique © musée national Jean-Jacques Henner

Enfin, dans le monde des musées, un projet au long cours devrait voir le jour d’ici quelques années. A l’occasion de grands travaux au musée d’Orsay, le musée lance Orsay Grand Ouvert, « un projet de transformation de grande ampleur du musée d’Orsay, au service de ses trois grandes missions ». Une de ces trois missions est l’EAC , à laquelle le musée devrait consacrer un centre. « L’Education center a pour objectif de renforcer l’action de médiation et d’éducation artistique et culturelle, en direction de tous les publics et tout particulièrement de la jeunesse. Il occupera un espace d’environ 600 m2 au cœur du musée et développera un programme innovant tant dans son approche des contenus scientifiques et artistiques que dans ses méthodes de médiation. ». Affaire à suivre…

Des projets d’EAC autour de vous ? Dites-nous tout dans les comm’ !
Et pour en savoir plus sur les actions de l’Apocalypse Joyeuse,
rendez-vous sur cette page !

Pour aller plus loin

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